L’histoire des moulins se perd dans la nuit des temps. Elle aura duré mille années environs, en vallée d’Ossau, comme ailleurs. Claudine Vigneau nous en propose un petit aperçu.
Après la révolution, les paysans ont établi des moulins un peu partout pour en tirer de petits bénéfices car, antérieurement, seuls les seigneurs avaient le droit d’en posséder en raison de la banalité1 et il fallait payer ce droit pour faire moudre son grain.
C’est ainsi que l’on pouvait trouver, dans certains endroits, des moulins proches les uns des autres, comme au bord du gave en contrebas de Baylère (photo ci-contre avec le point GPS noté en rouge).
Le département comptait environ 1340 moulins à blé et 140 scieries. Associés à des usages de plus en plus diversifiés, ils ont traversé les siècles, passant de l’artisanat médiéval à l’ère industrielle. Autrefois indispensables à la vie des villageois, ils sont, de nos jours, souvent en ruine, comme le moulin dit d’en haut qui se trouvait sur la berge du gave au lieu, appelé par certains, Pédange ( photos 1, 2 et 3).
En face, côté Bager, il en existait un autre dit d’en bas.
Si vous allez faire un tour dans ce magnifique secteur boisé, à la végétation luxuriante, vous trouverez des vestiges de cette époque, comme l’ancien canal d’amenée ou de fuite, des piliers de part et d’autre du gave (photos 4 à 7).
L’on voit bien aussi qu’il existait déjà une passerelle ou un pont au lieu dit Vignau, pour enjamber le gave et se rendre jusqu’au moulin Vignau qui était situé à quelques encablures (photo 3) .
Près du bleu dit de Perreti, un autre canal d’amenée ou de fuite subsiste, sur votre droite dans la végétation, juste avant de parvenir au bleu, témoin probable des vestiges d’un moulin (photo 8).
Les piliers de part et d’autre du gave témoignent de l’existence d’un pont qui permettait, sans doute, aux paysans de traverser et d’amener le grain pour repartir avec de la farine, vers le Bager (photo 9).
L’abondance de l’eau des gaves et des arrius (ruisseaux en béarnais), la pluviosité de la région, favorisaient le développement des moulins. La forte déclivité des torrents de la zone montagnarde permettait d’obtenir une chute vive sur une courte distance. Dans les villages comme dans les hameaux, on creuse des bassins de rétention, on aménage des systèmes de canaux et de rigoles. Leur nombre y demeure encore élevé au début du 20ème siècle, même si la concurrence de la meunerie industrielle ou minoterie condamne à terme les moulins montagnards. Certains d’entre eux commencent alors à être équipés en petites centrales hydroélectriques, devançant l’aménagement des barrages de montagne et des grandes centrales par la Compagnie des Chemins de Fer du Midi à partir des années 1920. Récemment encore, certains moulins trouvent une seconde vie en étant transformés en micro-centrales. Au lieu dit Moulin de Buzy, l’administration donne, en 1907, l’autorisation d’installer une centrale hydroélectrique, sur le gave (photo carte postale 10). Elle remplace le moulin qui avait appartenu à la maison noble du sieur de Poey. Ce dernier avait obtenu de la Communauté de bâtir un moulin banal avec nasse sur la rivière de Gave, à cinq meules précisent les archives communales
Extrait du document très complet – Focus sur les moulins de la vallée d’Ossau (www.vpah-nouvelle-aquitaine.org)
D’une manière générale, il existait plusieurs types de moulins à eau.
Le moulin à eau fonctionnait avec une roue à aubes ou à augets. La roue à aubes, munie de pales et la roue à augets constituée d’une succession de compartiments cloisonnés en forme d’auges qui donnaient plus de puissance à la force motrice du courant.
Traditionnellement, les moulins à eau ou moulins de rivières, construits sur les berges des ces dernières, sont aussi nommés moulins terriers. Le plus souvent, ils étaient complétés par un barrage ou chaussée. Le bief ou canal d’amenée étant un canal artificiel permettant l’amenée de l’eau au moulin. On peut en voir encore dans le Béarn, si vous observez bien le long des gaves ou de certaines rivières.
Parmi les moulins de rivières, tels que l’on en voit sur notre territoire béarnais, les moulins à barrages insubmersibles. Sur les ruisseaux et petits cours d’eau, la faiblesse du débit et son irrégularité ne permettaient pas d’utiliser des roues de dessous. On construisait donc un barrage pour former un bassin de retenue, un étang. Contre la face aval du barrage, ou chaussée, on construisait le moulin dont la roue sera une roue de dessus. Afin d’éviter que le barrage et le moulin ne se retrouvent sous l’eau, en cas de crue, il y avait un canal de décharge, équipé d’une vanne qui permettait de maintenir le bon niveau d’eau dans le bassin de retenue.
Les moulins à barrages submersibles, les moulins bateaux ou à nef, les moulins à marée,…
Les principaux lieux d’extractions de pierres meulières, de couleur grise et de poids compris entre 3000 et 4500 livres, se trouvaient à Arudy, Arette, Lurbe. Davantage solides, celles de couleur blanche viendraient de Gan, Louvie-Soubiron, Salies-de-Béarn. Plus tard, de la région bordelaise.
Les moulins étaient construits pour résister aux crues, avec une seule porte, une petite fenêtre, souvent adossés à une maison d’habitation. Quand l’eau venait à manquer, un petit étang de retenue la maîtrisait en amont, avant qu’elle ne soit menée vers la roue via un canal de dérivation.
Grâce à la découverte de l’énergie hydraulique, les premiers moulins apparurent. La multiplication de leur nombre se situe entre le Xème et XIIIème siècles. Des siècles durant, ils étaient légion.
Les premiers possesseurs seront les Seigneurs qui en firent donation à leurs vassaux, voire à des monastères qui les laissaient, généralement, en fermage. Bien que le rôle premier était de moudre le grain, comme en vallée d’Ossau, d’autres fonctions viendraient au cours des siècles: moulins à huile, à scie,…
L’entre-deux guerres a sonné leur déclin. Sur les très nombreux moulins qui existaient jadis, il reste celui bien conservé et transformé en gîte, à Arudy – le moulin à farine Palassoé qui a fonctionné jusqu’aux années 1950, au 2 chemin du Moulin, au bout du canal jalonné de lavoirs. Celui situé à l’ancienne pisciculture de Castet, sur la D240, avant d’arriver au village en venant de Laruns.
Il ne reste ensuite, à ma connaissance, que des vestiges encore un peu visibles dans la vallée, comme sur l’ancienne route reliant Laruns à Castet D 240, avec l’ancien moulin de Miédougé, situé à la sortie d’Aste, le long du canal après le lavoir. On y aperçoit des restes de murs.
En ce 21ème siècle, l’on peut se réjouir qu’il en existe encore en activité comme celui de Candau à Castétis, celui de Orcun à Bedous, ou encore celui de Bassilour à Bidart. D’autres sont rénovés en habitations, ou encore en micro-centrales hydroélectriques exploitées par EDF. De-ci de-là, si vous prêtez attention en traversant les villages, vous verrez des panneaux du style «chemin du moulin, moulia, cami dou mouli»,…
Aventurez-vous lors de balades pédestres et vous en dénicherez au gré de vos pérégrinations. Pour celles et ceux intéressés, un bon moyen d’en repérer certains est la carte IGN 1/25 000 version papier ou sur des applications mobiles, telles Mytrails ou Iphigénie, par exemple, qui fonctionnent parfaitement sur le terrain avec le GPS allumé et sans les données mobiles, une fois la carte souhaitée téléchargée et réglée via un abonnement annuel.
Moulins et meuniers restent à ce jour bien vivants dans la mémoire collective. Notamment, grâce à des associations de sauvegarde et des passionnés dont leurs actions sont louables et méritantes.
Claudine Vigneau
1 – Banalité: dans le système féodal français, ce sont des installations techniques que le seigneur est dans l’obligation d’entretenir et de mettre à disposition de tout habitant de la seigneurie. En contrepartie, les habitants de cette seigneurie ne peuvent utiliser que ces installations seigneuriales, pour un prix fixé par le seigneur.